« Avec l’ouverture de son nouvel abattoir, Saint-Martin franchit une étape clé pour sa souveraineté alimentaire »

C’est imminent, le nouvel abattoir de Saint-Martin devrait (enfin) ouvrir ses portes. Un projet structurant qui s’inscrit dans une vision plus large de consolidation de la filière agricole locale. Élie Touzé, directeur Economie Bleue et Croissance Verte, et Cyril Robert, Chef de projet – Développement agricole et rural, reviennent sur les enjeux et les perspectives qu’il ouvre pour le territoire.

Très prochainement, le nouvel abattoir devrait ouvrir ses portes. Que représente cette ouverture pour Saint-Martin ?

Élie Touzé : C’est une avancée essentielle pour le territoire. L’agriculture et l’élevage ont toujours existé à Saint-Martin, mais les producteurs étaient confrontés à un manque d’infrastructures adaptées pour transformer et valoriser la production locale. L’abattoir vient combler cette lacune en permettant d’assurer un débouché structuré pour les éleveurs et de renforcer la souveraineté alimentaire du territoire. La mise en place de cette infrastructure est donc une réponse concrète aux défis qu’ils rencontrent.

L’ouverture de l’abattoir n’a pas été simple, mais elle a pu compter sur l’engagement de la collectivité de Saint-Martin. Comment cet engagement s’est-il traduit ?

Élie Touzé : La collectivité a été un acteur clé dans ce projet. Dès le départ, elle a soutenu la structuration du projet en facilitant son financement et en apportant un cadre administratif et réglementaire adapté. Ce soutien s’est aussi traduit par des actions concrètes pour accompagner les producteurs et garantir la mise en place de l’agrément sanitaire, qui était un passage obligé pour que l’abattoir puisse fonctionner pleinement. Cette mobilisation a porté ses fruits avec une remise « prévisionnelle » des clefs prévue début avril.

Pouvez-vous nous en dire plus sur la façon dont l’abattoir s’inscrit dans une stratégie globale visant à consolider la chaîne de valeur sur le territoire ?

Élie Touzé : L’abattoir est une pièce maîtresse d’une stratégie plus large pour structurer et sécuriser l’ensemble de la filière agricole. Notre objectif est d’assurer une continuité entre production, transformation et commercialisation, afin de créer un écosystème viable pour les producteurs locaux.

Cyril Robert : Cela passe par un travail de fond sur la valorisation des produits locaux, mais aussi par des études stratégiques en cours. Nous menons actuellement deux études essentielles :

• Une étude sur le foncier, qui vise à identifier les espaces disponibles et leur potentiel d’exploitation agricole.
• Une étude sur la valeur agronomique des sols, qui permettra d’orienter les investissements et d’optimiser les cultures à développer.

Ces études sont essentielles pour asseoir une vision à long terme et permettre aux porteurs de projets de s’implanter avec un cadre clair et structuré.

Quels sont les autres projets en cours sur le territoire ? Comment contribuent-ils globalement à reprendre en main la filière agricole à Saint-Martin ?

Élie Touzé : Au-delà de l’abattoir, nous menons un important travail de structuration de la filière agricole. La collectivité travaille activement pour renforcer les synergies entre les acteurs du territoire et accompagner les porteurs de projets. Par exemple, nous envisageons de mettre en place des dispositifs de formation continue qui incluraient une clause engageant les bénéficiaires à travailler un certain temps sur le territoire après leur formation. L’idée est d’éviter une fuite des compétences et de permettre aux jeunes formés de contribuer activement au développement de la filière locale.

Cyril Robert : Nous avançons aussi sur des solutions pour faciliter l’accès au foncier et offrir des infrastructures adaptées aux nouvelles générations d’agriculteurs. Il est crucial de donner une visibilité et une stabilité aux projets agricoles sur le long terme.

Comment attirer des talents et favoriser la promotion de la filière auprès des jeunes ?

Élie Touzé : La formation et l’accompagnement des jeunes sont des enjeux majeurs. Aujourd’hui, nous réfléchissons à des mécanismes juridiques pour inciter les jeunes à revenir travailler sur le territoire après leur formation. Il existe des modèles inspirants dans d’autres territoires des Caraïbes, où une dette de formation peut être remboursée en travaillant localement pendant une période donnée. C’est un levier intéressant à explorer pour garantir un retour sur investissement pour le territoire.

Cyril Robert : Au-delà de l’accompagnement financier et juridique, nous devons aussi rendre la filière plus attractive en valorisant ses opportunités : développer des infrastructures modernes, assurer une meilleure rentabilité des exploitations et démontrer aux jeunes qu’il y a un avenir solide dans l’agriculture locale.

Un dernier mot ?

Élie Touzé : L’ouverture de l’abattoir est une avancée majeure, mais elle n’est qu’une étape dans une stratégie plus large pour structurer durablement la filière agricole à Saint-Martin. Nous avons aujourd’hui l’opportunité de redonner à l’agriculture locale une place centrale dans l’économie du territoire. Cela passe par une approche cohérente et un travail collectif entre la collectivité, les producteurs et les partenaires institutionnels. Le dynamisme est là, et nous devons continuer à construire ensemble un modèle agricole résilient et pérenne.